Au Canada, le cancer du poumon est la première cause de mortalité attribuable au cancer chez les hommes et les femmes [1]. Le cancer du poumon est principalement causé par le tabagisme et les efforts de prévention se concentrent essentiellement sur la lutte antitabac. Toutefois, le projet Fardeau du cancer lié à des expositions professionnelles a indiqué qu’environ 15 % des cancers du poumon sont causés par des expositions sur le lieu de travail [2]. Dans de nombreux postes, les travailleurs sont exposés à des agents cancérogènes pulmonaires connus. L’amiante, la silice cristalline, les gaz d’échappement des moteurs diesel et les fumées de soudage sont les quatre principaux agents cancérogènes pulmonaires liés à des expositions professionnelles au Canada [2].
Facteurs de risque professionnel connus
Facteurs de risque professionnel possibles
Les risques les plus élevés de développer un cancer du poumon sont observés chez les travailleurs des industries d’exploitation minière, de la construction et du transport. Certaines différences dans les risques observés de développer un cancer du poumon peuvent s’expliquer par des divergences professionnelles liées au tabagisme.
Les travailleurs des industries d’exploitation minière et de l’exploitation de carrières sont exposés à de nombreux agents cancérogènes pulmonaires, notamment la silice cristalline, le radon, l’amiante et les gaz d’échappement des moteurs diesel. Il semble que les travailleurs occupant la plupart des postes de l’industrie d’exploitation minière présentent un risque accru de développer un cancer du poumon.
Les travailleurs de l’industrie de la construction occupent de nombreux postes dans des cadres de travail différents, ce qui les exposent potentiellement à un vaste éventail d’agents cancérogènes pulmonaires, notamment les gaz d’échappement des moteurs diesel, la poussière de silice cristalline et des matières contenant de l’amiante, comme l’isolation. De plus, le risque est accru pour les peintres, qui peuvent être exposés aux produits chimiques présents dans les peintures, les solvants et les adhésifs.
Les travailleurs dans ces industries sont exposés à l’aluminium, à l’arsenic, au béryllium, au cadmium, au chrome, aux composés de nickel, à la poussière de silice et aux HAP. Le CIRC a également classé le fer et l’acier de moulage comme des produits augmentant le risque de développer un cancer du poumon. Les chaudronniers peuvent être exposés à l’amiante et aux activités de moulage, de noyautage et de fonderie des métaux peuvent entraîner une exposition à la silice cristalline.
Les travailleurs employés dans le secteur du transport peuvent être exposés à des niveaux élevés de gaz d’échappement des moteurs diesel en utilisant du matériel à moteur diesel ou en travaillant à proximité de celui-ci.
Les travailleurs employés dans ces secteurs peuvent être exposés aux gaz d’échappement de matériel à moteur diesel, aux poussières de bois, aux insecticides contenant de l’arsenic ainsi qu’à d’autres produits de conservation du bois.
Les travailleurs employés dans ces services étaient exposés à des niveaux élevés de fumée secondaire sur leur lieu de travail avant l’entrée en vigueur de l’interdiction de fumer dans les bars et les restaurants en Ontario en 2006 et sur les terrasses en 2015. Les risques excédentaires observés au sein de ces groupes peuvent aussi être dus aux écarts dans les taux de tabagisme professionnel.
Par le passé, les taux d’incidence du cancer du poumon étaient plus élevés chez les hommes que chez les femmes. Toutefois, cet écart a diminué au fil du temps, car les taux de tabagisme ont baissé plus vite chez les hommes que chez les femmes, ce qui a contribué à un déclin plus rapide des taux d’incidence du cancer du poumon chez les hommes [13-15]. Bien que l’exposition professionnelle soit un facteur contributif considérable au fardeau du cancer du poumon, peu de recherches ont porté sur les différences entre les sexes ou les genres dans l’incidence du cancer du poumon professionnel [16,17]. Nous mettons ici en lumière les risques élevés de cancer du poumon chez les travailleuses occupant certains postes.
Les travailleuses occupant des postes de machinistes et personnel assimilé présentaient une hausse accrue du risque de cancer du poumon par rapport aux hommes. Dans ce domaine, les travailleuses peuvent traiter différents types de matériaux, mais celles occupant des postes d’usinage des métaux ou des métiers de travail des métaux pourraient être exposées à des poussières et fumées contenant des métaux et leurs composés[17,18].. Parmi les exemples d’expositions à des substances cancérigènes chez ces travailleuses, on compte les fumées de soudage, les composés du nickel, le cadmium et le chrome IV [3,6,8].
Les hommes et les femmes exerçant des métiers de la construction présentent un risque accru de cancer du poumon par rapport à d’autres professions, mais ce risque est plus prononcé chez les travailleuses dans certains métiers de la construction. Les travailleuses du secteur de la construction risquent d’être exposées à diverses substances cancérigènes comme la silice, l’amiante et l’échappement des moteurs au diesel [3,5].
Le risque accru de cancer du poumon est bien documenté chez les travailleurs du secteur minier, mais les précédentes études ont souvent pris en compte seulement des renseignements limités sur les travailleuses de ce secteur [16]. Selon les résultats du SSMP, les femmes occupant des postes dans le secteur minier sont confrontées à un risque disproportionnellement accru de cancer du poumon. Les travailleuses du secteur sont exposées à de nombreuses substances cancérigènes pour les poumons, notamment la silice cristalline, le radon, l’amiante et l’échappement des moteurs au diesel [3,5].
Les travailleuses présentaient un risque accru de cancer du poumon dans les métiers du transport routier, où l’exposition au gaz d’échappement des moteurs diesel est fréquente [5].
Les risques de cancer du poumon étaient élevés pour les femmes de ce secteur, mais réduits pour les hommes dans de nombreux emplois tertiaires. D’autres études ont montré des résultats variables concernant le risque de cancer du poumon chez ces travailleurs en raison de la diversité des tâches dans l’industrie tertiaire [19]. Certaines travailleuses occupant des postes dans des restaurants peuvent avoir été exposées à la fumée secondaire, en particulier avant l’entrée en vigueur de l’interdiction de fumer dans les restaurants et sur les terrasses [20]. Certaines recherches indiquent que les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP, présents dans les fumées de cuisson) pourraient augmenter le risque de cancer du poumon [8,11]. Il y aurait aussi des expositions non répertoriées pour ces travailleuses.
Il y a plusieurs facteurs qui pourraient expliquer que les travailleuses sont confrontées à des risques ou niveaux d’exposition différents de ceux des travailleurs. Par exemple, les codes sexuels peuvent influer sur les tâches précises confiées à un hommes et celles confiées à une femme occupant un même poste, entraînant des différences d’exposition [21-23]. L’équipement de protection individuelle n’est pas toujours conçu pour être adapté aux femmes, et pourrait ne pas avoir la même efficacité sur les corps féminins que sur les corps masculins [16,24]. L’utilisation d’un équipement de protection individuelle peut demander un effort physique plus exigeant aux femmes qu’aux hommes [16]. Les travailleurs à temps partiel, qui sont plus susceptibles d’être des femmes, suivraient moins de formations sur l’utilisation correcte d’un équipe de protection individuelle [16]. D’autres travaux de recherche devraient être menés pour comprendre comment des facteurs liés au sexe, comme la taille, la portée et la force peuvent avoir une incidence sur l’exposition et l’efficacité des stratégies de contrôle autres que l’équipement de protection individuelle [16,22].
Les facteurs biologiques, comme les différences hormonales et métaboliques entre les travailleurs et les travailleuses, peuvent avoir un effet sur les expositions professionnelles. Selon certaines études sur les différences entre les sexes en matière de risque de cancer du poumon lié au tabagisme, il est possible que les travailleuses soient plus sensibles aux effets cancérigènes de certaines expositions professionnelles [25,26].
Le risque de cancer peut aussi être influencé par les différences comportementales. Le tabagisme est plus courant chez les travailleurs occupant des postes manuels et industriels que chez les autres travailleurs, et cette différence peut être plus importante chez les femmes que chez les hommes [27,28]. Il est possible que d’autres différences comportementales comme l’activité physique et les habitudes alimentaires contribuent également aux différences observées entre les sexes
Figure 1. Risque de diagnostic de cancer du poumon chez les travailleurs employés dans chaque groupe d’industries par rapport à tous les autres, Système de surveillance des maladies professionnelles (SSMP), 1999-2016
Pour obtenir le rapport de risque, on divise l’estimation du temps moyen nécessaire pour diagnostiquer la maladie chez les travailleurs de chaque groupe d’industries/professionnel par celui nécessaire pour diagnostiquer la maladie chez tous les autres groupes pendant la période de l’étude. Les rapports de risque supérieurs à 1,00 indiquent un risque accru de développer la maladie dans un groupe donné par rapport à tous les autres. Les estimations sont ajustées par année de naissance et par sexe. La largeur de l’intervalle de confiance (IC) de 95 % est fondée sur le nombre de cas dans chaque groupe (plus il y a de cas, plus l’intervalle est étroit).
Figure 2. Risque de diagnostic de cancer du poumon chez les travailleurs employés dans chaque groupe professionnel par rapport à tous les autres, Système de surveillance des maladies professionnelles (SSMP), 1999-2016